Au large du rêve,
Sous les sarcasmes des goélands,
D’ intrépides vaisseaux explorent sans trêve
Les routes chimériques d’ antiques portulans ;
Leurs sillages d’ écume opalescente
S’ effilochent en lambeaux
D’ aigue-marine et d’indigo,
Puis se perdent dans la tourmente ...
Les mâtures craquent, les coques soupirent,
Les haubans sifflent sous le vent ;
Et le fracas des vagues que les étraves déchirent
Martèle l’ imagination de son rythme obsédant.
Les songes des matelots se peuplent de mirages
Mêlant fantasmes et souvenirs...
Où s’ en vont donc tous ces navires
Pour quelle quête, vers quels rivages ?
Dans un bouge incertain,
Tripot de havre hauturier,
Théâtre discret de louches contrebandes,
On dit qu’un vieux marin
Radote la légende
D’ un paradis perdu, d’un éden oublié
Qui apparaît parfois au cœur de la tempête
Aux yeux exténués que la mer maltraite :
L’ extravagant palais
Et le jardin secret
De la fée : Ondine, Alizée, Morgane ?
Le nom importe peu
Exquise souveraine du royaume bleu,
Inaccessible princesse Océane ...
Des profondeurs marines
Surgit un château transparent
Prodige sublimé de nues et d’ embruns
Panaché quelquefois d’un étrange parfum.
Ses tours paraissent de nacre, de turquoise, d’ opaline
Mais ses murs éphémères ne sont faits que de vent ...
Paraîtra-t-elle, l’ île au trésor
Où fleurirait, dit la coutume
La légendaire mandragore ?
Ensorcelante en son déshabillé de brumes
Elle cacherait, au plus profond
D’ un impénétrable mystérieux vallon,
La fleur secrète, éphémère en son écrin sauvage,
Qui seule peut plaire à la reine des flots
Peut-être, même, lui voler un sanglot
et lui faire dévoiler son visage ...
Au large du rêve,
Par-delà l’ultime horizon,
Plus loin que la dernière grève
Où viennent s’échouer les saisons,
Les voiles d’ autrefois cherchent infiniment,
Sirène ou fée ? Nul ne le sait vraiment
Ondine, Alizée ou Morgane
Le nom importe peu
L’ exquise souveraine du royaume bleu,
Inaccessible Princesse Océane ...